[Assises de la Sécurité de Guyane] Une journée de mobilisation de tous les acteurs pour mieux lutter contre les causes de l’insécurité en Guyane
L’ensemble des acteurs politiques, administratifs, économiques et associatifs du territoire se sont réunis à l’Hôtel de la Collectivité Territoriale de Guyane dans le cadre des Assisses de la sécurité, ce vendredi 30 septembre 2022.
Souhaitées par Gabriel Serville, président de la Collectivité Territoriale de Guyane, ces Assisses constituent un véritable forum démocratique au cours duquel les acteurs du territoire ont mené une réflexion commune conduisant à des propositions concrètes dans l’objectif de mieux lutter contre l’insécurité grandissante que connait la Guyane.
Lors de cet évènement, un travail sous forme d’ateliers était proposé aux 250 personnes présentes. Le public pouvait y assister à distance, et également participer en envoyant des commentaires, suggestions et questions par Internet ou par What’s app.
Les ateliers proposés :
- Atelier 1 – Les Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance
- Atelier 2 – Climat scolaire, Bien être des élèves et des équipes éducatives, réussite scolaire
- Atelier 3 – Coopération opérationnelle entre les forces de l’ordre, lutte contre les réseaux et coopération transfrontalière
- Atelier 4 – La Prévention et l’insertion sociale pour un mieux vivre ensemble
La séance s’est ouverte par le discours de Gabriel Serville
“Je vais être clair : si j’ai proposé à Monsieur le Préfet de réunir aujourd’hui les Assises de la Sécurité c’est parce que j’étais inquiet de cette recrudescence des faits divers mais surtout de leurs conséquences potentielles sur la cohésion sociale de la Guyane. […] Nous devons tous bien mesurer à quel point les propositions qui seront faites cet après-midi, devront, pour répondre aux attentes de la population, dépasser l’échelle d’une simple réponse dissuasive ou répressive.
La sécurité, est la condition sine qua non de la réussite de notre projet politique commun et c’est aussi la pierre angulaire du pacte qui lie entre elles les différentes personnes morales de droit public qui interagissent sur le territoire : l’État, la collectivité majeure et le bloc communal qui regroupe les municipalités et les EPCI.
Le déficit de sécurité qui affecte notre territoire constitue une menace à un triple niveau. Au-delà des atteintes intolérables aux biens et aux personnes, au-delà des chocs quasi quotidiens ressentis par les consciences de chacun de nos concitoyens, nous parlons aujourd’hui d’une menace contre notre équilibre économique, nous parlons d’une menace contre la stabilité et la cohésion de notre société.”
Gabriel Serville, président de la Collectivité Territoriale de Guyane
Atelier 1 – Les Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance
Il s’agissait d’aborder les sujets liés à la prévention et à l’accompagnement.
Un atelier présidé par Claude Plenet, maire de la commune de Rémire–Montjoly, avec pour grand témoin Lina Afoedini, 8è Adjointe au maire de Saint–Laurent du Maroni et le Lieutenant–Colonel Delphine Christophe, officier de liaison gendarmerie auprès du préfet de Guyane, témoin référent.
Propositions faite suite à l’atelier
- Renforcer la communication auprès et entre les partenaires (institutionnels et associatifs)
- Poursuivre la coopération police nationale-police municipale-gendarmerie
- Porter la réflexion sur la prévention de la délinquance à un niveau intercommunal (la délinquance ne connait pas les frontières communales)
- Renforcer les crédits destinés à soutenir les actions portées par les acteurs de la prévention
- Accompagner l’ingénierie mobilisée sur la prévention de la délinquance (construction de projets, montage de projets)
- Avoir une réponse réglementaire adaptée aux constructions illicites et à la criminalité de type sud-américaine
- Créer/Structurer les CLSPD (modalités de gouvernance : réunions régulières, comité de pilotage annuel, plan d’actions par territoire)
- Coproduire et diffuser une programmation globale au niveau du territoire
- Solliciter le FIPDR (Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation) pour cofinancer des postes de coordinateur de CLSPD, des actions de prévention, de médiation, des actions d’accompagnement des jeunes exclus des établissements scolaires, financer des travaux d’intérêt général
- Consolider la médiation sociale en milieu scolaire et aux abords des établissements
- Créer des internats-relais pour les élèves exclus (coopération Rectorat-Police-Justice)
- Réactiver et réviser la convention EVIDENCE en élargissant de nouveaux signataires (communes, Rectorat)
- Informer les CLSPD des jeunes qui posent problème et des parents qui ne répondent pas aux sollicitations et convocations (cellules de veille, …)
Atelier 2 – Climat scolaire, bien-être des élèves et des équipes éducatives, réussite scolaire
Il s’agissait de travailler à lutter contre la violence à l’intérieur et aux abords des établissements scolaires.
A cette occasion, l’atelier était présidé par : Philippe Dulbecco, recteur de l’Académie de Guyane, avec pour Grand Témoin, George Habran–Mery.
- Mutualiser les installations sportives avec les associations dont le périscolaire
- Entretenir les bâtiments
- Construire des établissements à taille humaine et au plus près des populations, adapter aux élèves en situation de handicap au climat aux zones de vie pour absorber les effectifs.
- Intégrer des sas d’entrée pour certains établissements, dispositif de surveillance, de contrôle : ex : vigile, vidéosurveillance, en fonction des cartographies de l’insécurité, portique (après accord de la communauté éducative),
- Anticiper les besoins en enclenchant de nouvelles constructions, au-delà du plan de rattrapage actuel, dont les internats de proximité, les réfectoires, logements enseignants etc.
- Rendre les internats attractifs
- Procéder au recours massif aux constructions modulaires
- Systématiser la restauration scolaire dans tous les établissements,
- Nécessité d’adapter les normes de construction, la règlementation contraignante, qui augmentent les délais de construction : se réapproprier les travaux existants.
- Construire par bassin de territoire, bassin de vie.
- Adapter les ressources humaines aux besoins du territoire
- Intégrer des espaces culturels, de cohésion, dans l’enceinte des établissements
- Appropriation des espaces par les élèves, protection de l’environnement, concoure au respect des espaces
- Décloisonner le débat, prévention de l’insécurité : remettre l’humain au centre dans les établissements,
- Donner du sens à l’école, les valoriser : sondage auprès des élèves, les consulter, communiquer avec les élèves qui sont force de proposition
- Etablir des contrats avec les élèves et rétablir les valeurs morales, éducation à la citoyenneté
- Organiser des rencontres entre établissements pour éviter les phénomènes de gang – passerelles entre les différents établissements ; développer le dispositif « école ouverte »
- Déployer les activités de loisirs, sports, culturelles au bénéfice des élèves
- Lever les freins à l’accès à l’école, notamment les titres de séjour,
- Rétablir la confiance, le lien avec les élèves, des espaces d’expression : certains subissent de la violence intrafamiliale,
- Sanctuariser les commissions éducatives, mesures de responsabilisation, et justice restaurative
- Généraliser la Médiation sociale en milieu scolaire dans tous les établissements : de l’école au lycée, au regard des constats de réussite,
- Instaurer un trinôme : MSMS + APS (assistant de prévention de sécurité) + EMS
- Généraliser les équipes mobiles de sécurité (EMS) dans les établissements
- Augmenter le budget FIPDR* pour le développement d’actions telles que celles de l’association des Frères de la crik
- (Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation)
Gestion des temps scolaires et périscolaires
- Accompagner et valoriser les associations de l’Education populaire, sportives et culturelles, en qualité de co-éducateurs
- Organiser des stages avec l’armé pour éviter l’oisiveté lors des vacances scolaires
- Adapter le calendrier scolaire à la problématique de chaleur
- Instaurer la double vacation pour permettre à tous les élèves d’accéder aux lieux d’enseignement pour répondre à l’objectif : 0 enfant déscolarisé
- Organiser des résidences d’artistes comme outil de continuité entre le temps scolaire et périscolaire
- Réaffirmer que les parents sont parties prenantes de la communauté éducative
- Réaffirmer que l’Education est une responsabilité collective : parents, institutions, élèves avec un objectif partagé : réussite de nos élèves, de leur inclusion, leur émancipation
- Formaliser la relation avec les parents qui sont des partenaires
- Relancer l’école des parents
- Redonner aux parents la parole, les entendre, intégrer les représentants des parents d’élèves dans toutes les instances qui concourent à l’instruction/éducation : Éducation Nationale + Collectivité Territoriale de Guyane
- Modifier le regard négatif porté sur les parents car ils souhaitent s’investir à l’éducation de leurs enfants, lever les aprioris
- Faciliter/favoriser l’accès des parents à l’école en amplifiant le dispositif « école des parents »,
- Lutter contre « l’illectronisme » en déployant des actions innovantes dans et hors les murs de l’école, exemple dans les quartiers
- Optimiser les dispositifs existants d’appropriation de l’école par les parents qui permettent de construire du lien
- Déployer et sécuriser les moyens de communication moderne entre les enseignants et les parents
- Organiser la coordination entre les différents dispositifs institutionnels de lutte contre l’insécurité pour améliorer les résultats
- Intégrer les représentants des parents d’élèves dans les instances de suivi et de pilotage dans le cadre de la convention EVIDENCE
- Organiser mensuellement des réunions de sécurité avec l’ensemble des acteurs de la commune, tel que le dispositif innovant créé par la communauté éducative de Saint-Laurent du Maroni
- Etablir un annuaire des acteurs
- Délocaliser des réunions pour tenir compte de la communauté éducative de l’intérieur
Atelier 3 – Coopération opérationnelle entre les forces de l’ordre, lutte contre les réseaux et coopération transfrontalière
Il s’agissait de travailler à établir les modalités de coopération entre la police nationale et la gendarmerie d’une part et polices municipales d’autre part et d’intensifier les moyens de lutte contre les réseaux de passeurs (mules…) et contre les gangs organisés.
Un atelier présidé par Cédric Debons, Sous–préfet, Directeur général des sécurités, de la réglementation et des contrôles, avec pour Grands témoins le Lieutenant–colonel de Gendarmerie Tifenn Simon, officier adjoint de la Police Judiciaire et le Commandant de Police Franck Benezech, Chef d’Etat Major de la DTPN.
- Augmenter les moyens (humains notamment) des FSI y compris en réservistes. Sanctuariser les forces dédiées à la lutte contre l’orpaillage illégal
- Etendre la zone de compétence de la police nationale aux communes de Matoury et de Rémire-Montjoly
- Maintien du 7ème escadron de gendarmerie mobile
- Mieux articuler le niveau décisionnel entre l’Etat et les collectivités (communes) – associer les communes à la stratégie globale de sécurité sur le territoire
- Privilégier le recrutement et la nomination de policiers et gendarmes locaux – faciliter le retour des jeunes policiers locaux en Guyane à l’issue de leur réussite au concours – organiser des concours déconcentrés pour la Guyane.
- Améliorer les contrôles aux frontières – déplacer les PCR de Iracoubo et Régina au plus près des frontières
- Faire évoluer la règlementation pour faciliter et accélérer l’évacuation des squats
- Faire évoluer la législation (circulaire Valls) pour faciliter la régularisation des étudiants en situation irrégulière.
- Mettre en place un numéro vert pour informer les autorités sur les différentes infractions
- Améliorer la coopération avec les pays voisins – mise en place d’une police du fleuve avec des responsabilités partagées
- Introduire un contrôle systématique des voyageurs provenant de Guyane vers l’Hexagone pour limiter le trafic de stupéfiant à l’image de l’aéroport d’Amsterdam.
- Enlever du ressort de la Juridiction interrégionale Spécialisée (JIRS) de Fort-de-France les affaires complexes, crimes organisés, commis en Guyane
- Améliorer le partage d’information avec les élus et la société civile sur la coopération transfrontalière
- Mieux contrôler les flux financiers sortant de la Guyane
- Prise en charges des jeunes primo trafiquants par une structure de réinsertion telle que le RSMA. De façon générale, mettre l’accent sur la prévention en sensibilisant les jeunes et les parents au danger du trafic de stupéfiant.
- Étendre la coopération au-delà des pays frontaliers (Pérou, Venezuela, Colombie et Guyana).
- Introduire une conditionnalité à la coopération avec les pays voisins
Atelier 4 – La Prévention et l’insertion sociale pour un mieux vivre-ensemble
Cet atelier était présidé par Marie–Laure Phinéra–Horth, Sénatrice de Guyane, et avait pour Grand Témoin Farouk Amri.
1. Rappel des objectifs de l’atelier
Instituer une conférence sociale territoriale annuelle regroupant tous les partenaires signataires de la convention de partenariat, la CAF, la CGSS, la MDPH et les associations dans le but d’élaborer, piloter et évaluer les projets de territoires sanitaires et sociaux
2. Déroulement de l’atelier
Cet atelier a été de bonne tenue avec des échanges riches et nourris. La réflexion a porté sur les aspects suivants :
- Les politiques publiques doivent se décliner sur une dynamique inversée : partir de ce qui marche et le renforcer plutôt que de partir de ce qui ne marche pas
- Le socle du mieux vivre ensemble, de l’insertion et de la prévention, est la famille. La vie de famille s’exprime au sein du logement puis du quartier ou village/campoo. Les projets immobiliers doivent être partie intégrante du projet social de territoire. Le Maire et les EPCI doivent se saisir pleinement de leur compétence en tant qu’organes de validation des projets immobiliers lesquels doivent être en cohérence avec le projet social territorial
- La prévention démarre dès le plus jeune âge en s’appuyant sur les bases familiales, culturelles et éducatives : 1000 premiers jours de l’enfant, accueil du jeune enfant, scolarité, périscolaire, centres aérés , …
- L’oisiveté et l’errance des jeunes devant les épiceries sont à combattre. Cela passe aussi par l’identification des filières d’accès aux vecteurs de la délinquance : drogue, armes, ..
3. Propositions
- Coordonner les acteurs et l’action publique : création de la conférence sociale territoriale, conférence des financeurs pour un soutien financier pérenne des acteurs associatifs
- Déployer des outils de sécurité visibles, sur l’ensemble du territoire
- Privilégier et mettre en œuvre une véritable politique de prévention au travers des projets sociaux territorialisés par bassin de vie en s’appuyant beaucoup sur « les experts du vécus » (pairs), la prévention spécialisée, le RSMA, le soutien à la parentalité, prévention précoce…
- Actionner les leviers économiques : accès au monde de l’entreprise, zones franches, ZUS, création de CFA par les syndicats de branche, levée des freins à l’employabilité (mobilité, savoir-être, formation, lutte contre toutes les discriminations…)
- Renforcer le pouvoir d’agir des acteurs locaux. Pour ce faire, la ressource financière doit être libérée massivement par l’Etat, car trop insuffisante et qui va de pair avec une gouvernance revisitée de la ressource foncière
- Organiser les Assises de la Jeunesse
Visite Ministérielle à l’occasion des Assises de la Sécurité
A l’issue de la restitution des ateliers, Eric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, Gabriel Attal, Ministre délégué aux Comptes Publiques, ont rejoint les participants, élus et membres de la société civile, afin d’échanger, d’écouter les doléances et de faire des annonces à la population.
- Déploiement d’un scanner conteneur implanté au port
- Installation d’un nouvel appareil à rayon X à l’aéroport Félix Éboué
- Mise en place d’une nouvelle équipe de maîtres chien ainsi que 10 agents de la douane d’ici 2023
- Mise en place d’un groupe de travail interministériel dans la continuité du ‘Plan mules’
- Création de 5 postes de magistrats
- Création dès janvier 2023 d’une brigade de soutien pour une durée de 6 mois afin de soulager, dans l’urgence, les magistrats et greffiers
- Création d’un pôle dédié à la délinquance organisée non traitée par la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS), à Fort-de-France.
- Entrée en vigueur de la “convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Suriname”, signée ce jour à Paramaribo permettant l’amélioration de la coopération entre les deux territoires
- Création d’une antenne du RAID, de 13 policiers d’élite envoyés durablement dès l’année prochaine, de 70 militaires de gendarmerie mobile, 25 officiers de police judiciaire ainsi que des drones à déployer dans l’agglomération de Cayenne et dans la forêt
- Création de quatre nouvelles brigades (deux brigades fluviales et deux brigades routières)
- Installation de 50 policiers et gendarmes à Félix Eboué afin que tous les vols soient contrôlés.
Les Ministres ont également pu répondre aux nombreuses questions des participants, à la suite de ces annonces.