[Tribunal du Larivot] Le Président Gabriel Serville écrit au Premier Ministre Jean Castex
Monsieur le Premier Ministre,
Par une décision rendue le 14 octobre dernier, le tribunal judiciaire de Cayenne a prononcé une peine de plusieurs mois d’emprisonnement à l’encontre de MM. Stéphane PALMOT, Gilles BEAUDI, Alexandre MARCHENEY, et Richard CIMONARD. La peine n’a pas été assortie de sursis à exécution ni de mesures d’aménagement. La décision de justice intervient à la suite de faits constatés en juillet 2020, avec l’incendie volontaire d’une dizaine de palettes en bois à proximité de la préfecture de Guyane, dans le contexte d’une manifestation de rue liée à la crise sanitaire. Le départ de feu a occasionné des dommages à la façade historique du bâtiment.
S’il ne fait aucun doute dans mon esprit que de tels faits, s’ils sont caractérisés, méritent une sanction, je voudrais attirer votre attention, M. le Premier Ministre, sur le sentiment d’injustice qui prévaut dans la population face à des peines aussi lourdes, alors que tant d’autres actes délictueux sont commis sur le territoire et n’ont pas reçu une réponse pénale aussi forte.
Les personnes qui ont été condamnées appartiennent au syndicat UTG qui s’est inscrit, à posteriori, dans une ligne défavorable aux textes relatifs à l’obligation vaccinale. Il est clair qu’au sein de la population, l’amalgame peut être fait facilement entre la rigueur de la réponse judiciaire et les prises de position de l’organisation syndicale, faisant peser sur la décision de justice le soupçon d’instrumentalisation. De ce point de vue, les propos publics du Procureur de la République qui aurait publiquement évoqué la valeur « d’exemple » à donner à cette décision ne font que renforcer le malaise, dans une population qui, vous le savez, est à près de 70% réticente vis-à-vis de la vaccination.
Permettez-moi par ailleurs d’insister sur l’extrême volatilité de la situation sociale. Après une vingtaine de mois de confinement ininterrompu, les tensions sont exacerbées et je crains que, dans les quartiers de l’agglomération de Cayenne, Rémire-Montjoly, Matoury, le maintien en détention des quatre syndicalistes mentionnés ci-dessus, ne soit perçu comme une injustice et ne crée les conditions d’une escalade de violence comme ce département en a connu malheureusement dans les dernières années.
S’il ne nous appartient ni à l’un ni à l’autre d’interférer dans les procédures judiciaires, je souhaite pour ma part apporter ma contribution, dans le respect des formes légales, aux démarches auprès du juge des libertés pour que le dossier de ces militants syndicaux puisse être réexaminé dans le sens d’un aménagement substantiel de la peine. Je vous appelle, avec la plus grande insistance, à concourir à cette démarche d’apaisement, avec toute l’autorité que vous communiquent vos éminentes fonctions.
Dans cette attente, je vous prie, Monsieur le Premier Ministre, de recevoir l’expression de ma très haute considération.
Gabriel Serville, président de la Collectivité Territoriale de Guyane