[Fermeture des établissements publics d’enseignement] Courrier de réponse du vendredi 21 mai 2021 du président de la CTG à l’attention du Préfet de Guyane
Monsieur Thierry Queffelec
Préfet de la Région-Guyane
En réponse à la lettre que le Président de l’Association des maires de Guyane et moi-même vous avions adressée, suite une interview que vous aviez donnée sur Radio Péyi au sujet de notre décision de fermer les établissements scolaires, vous m’avez envoyé hier soir, jeudi 20 mai 2021, un courrier visant à réitérer le caractère prétendument illégal de cette décision.
Pour ce faire, vous produisez un certain nombre de références juridiques que, pour tout vous dire, je n’ai pas pris le temps de lire.
Je n’ai pas pris le temps de les lire car je considère que la démarche-même consistant à produire ces références juridiques dans le contexte dans lequel nous nous trouvons actuellement est selon moi le signe d’une déconnexion de la réalité que je qualifierais d’inquiétante.
Aux raisons qui nous ont poussé, mon collègue président de l’AMG et moi-même ainsi que l’ensemble des maires présents, à prendre la décision de fermer pour quelques jours les établissements scolaires le temps que la pression épidémique retombe, je note que vous n’opposez aucun argument de fond. Vous vous contentez de faire du juridisme brutal, en affirmant « la loi, c’est moi ». Point !
Cette attitude tout sauf constructive nous ramène à des temps anciens, avant les lois de décentralisation de 1982, voire avant la départementalisation, à l’époque où le gouverneur concentrait entre ses mains tous les pouvoirs et exigeait des habitants de la colonie qu’ils se soumettent sans discussion à son autorité.
Outre le mépris que témoigne cette attitude anachronique pour la population locale que j’ai l’honneur de représenter eu égard au mandat qu’elle m’a confié, je voudrais attirer votre attention sur son caractère inefficace voire dangereux en période de crise sanitaire grave telle que celle que nous traversons actuellement. Car in fine, je vous rappelle, au cas où vous l’auriez perdu de vue, que l’objectif des mesures d’exception prises pour ralentir la transmission du coronavirus, c’est de préserver nos concitoyens de graves souffrances et de séquelles potentiellement importantes en cas de passage en réanimation, et même, dans le pire des cas, malheureusement, de la mort. Le but, c’est de sauver des vies !
Et quand on s’acharne à vouloir maintenir des établissements ouverts contre l’avis unanime de l’ensemble des acteurs de santé d’un territoire ; contre l’ensemble des personnels directement concernés (enseignants, personnel encadrant) ; contre les élèves eux-mêmes qui avaient largement manifesté leur inquiétude face à la multiplication rapide des cas de contamination notamment dans les lycées et dans certains collèges ; et contre les élus qui vivent sur ce territoire et sont en contact avec la population qui n’a eu de cesse de manifester une inquiétude grandissante ; quand, pour résumer, on veut avoir raison seul contre tous, simplement parce que l’on a réussi à s’autopersuader d’être une sorte d’autorité suprême, c’est sans doute qu’à un moment donné, on a fait fausse route.
Vous auriez pu produire une page recto-verso de références juridiques, je vous le dis, en ce qui me concerne, ça ne changerait rien. Car comme nous le soutenions, monsieur Ringuet et moi-même, dans notre précédent courrier :
- Comment comprendre que l’on puisse confiner la population en laissant les établissements scolaires ouverts avec le brassage que cela suppose, alors que les cas de contamination et les fermetures de classes s’y multiplient de façon exponentielle ?
- Comment comprendre que l’on puisse laisser les établissements scolaires ouverts chez nous alors qu’à taux d’incidence largement moindre, les établissements scolaires avaient été fermés durant trois semaines dans l’Hexagone ?
- Comment comprendre que l’on puisse laisser les établissements scolaires ouverts alors qu’il est maintenant avéré que le variant brésilien, désormais largement majoritaire chez nous, est d’une virulence et d’une contagiosité bien supérieures notamment chez les jeunes ?…
Maintenir ces établissements ouverts dans le contexte de pic épidémique et de tension hospitalière extrême que nous connaissons s’apparenterait ni plus ni moins à de la non-assistance à personne en danger. Et encore une fois, quelles que soient les pressions ou menaces à peine voilées que vous pourriez produire, je me refuse à les rouvrir tant que la courbe de contamination ne se sera pas a minima inversée. Maintenant, si, malgré tout, votre objectif devait être à toute force d’ouvrir par tous les moyens ces établissements scolaires dès la semaine prochaine, je vous invite à aller au bout de votre logique autoritaire en les réquisitionnant, comme la loi vous y autorise.
Rodolphe Alexandre
Président de la Collectivité Territoriale de Guyane